🗝️ Ne plus subir ses états d'âme : décoder le message caché des émotions

Pauline
il y a 4 jours
5 min de lecture

« Laisse tout t'arriver : la beauté et la terreur. Continue simplement de marcher.

Aucun sentiment n'est définitif. » — Rainer Maria Rilke

On a souvent tendance à dire « je suis triste », « je suis anxieux », « je suis en colère » comme si ces émotions étaient devenues notre identité, notre peau, notre définition entière. Comme si nous étions figés dans le marbre de ce ressenti. Pourtant, si on s'écoute vraiment, on est loin d’être une statue à l’expression unique.

Nous ne sommes pas nos émotions mais plutôt leur lieu de passage. Nous sommes l'espace dans lequel elles se produisent. L'émotion est une étincelle, une réaction chimique rapide : la peur quand un chien aboie, la joie d'une bonne nouvelle. L'état d'être, lui, est plus vaste. C'est un climat. C'est une météo intérieure.

🏠 Accueillir les visiteurs de l'intérieur

C'est une brume qui s'installe le matin et modifie la couleur de tout ce que l'on regarde. Ce n'est pas ce qui nous arrive, c'est la lunette à travers laquelle on vit ce qui nous arrive. C'est une texture, une lourdeur ou une légèreté, une vibration qui habite le corps autant que l'esprit.

Les états d'être ne sont pas figés dans le temps. Ce sont des courants d'air, des marées, des orages d'été. Ils nous traversent. Ce sont des visiteurs. Ils entrent sans frapper, s'installent un instant, occupent l'espace et mettent parfois le désordre avant de repartir.

👂 Déchiffrer le murmure de nos visiteurs

Être à l'écoute de soi, ce n'est pas s'écouter parler. C'est écouter ce qui parle en nous. C'est accepter que notre corps et notre esprit soient une maison aux portes toujours ouvertes, traversée par ces courants d'air que nous ne contrôlons pas.

Ces états d'être qui nous visitent ne sont pas des hasards. Ce sont des messagers qui viennent nous délivrer une information vitale sur ce dont nous avons besoin à l'instant présent. Le secret, c'est de ne pas les laisser sur le seuil, mais de les inviter à s'asseoir pour déchiffrer leur message.

Il y a d'abord les visiteurs de l'Intime, les états personnels, ceux qui régulent notre météo intérieure. Prenez la Peur, par exemple. Elle a mauvaise réputation, elle paralyse. Mais si on l'écoute vraiment, elle est souvent la gardienne bienveillante qui chuchote : "Fais attention, ce qui compte pour toi est en danger, prépare-toi." Elle demande de la sécurité.

À l'inverse, quand la Tristesse ou la Mélancolie s'assoit au bord du lit, elles ne veulent pas nous nuire. Elles nous murmurent : "Ralentis. Tu as besoin de réparer quelque chose." Elles demandent du repos. Il y a aussi ces visiteurs mal-aimés, comme l'Ennui. On veut le chasser à coup d'écrans, alors que lui nous apporte un cadeau précieux : le vide. Il nous dit : "Il y a de la place ici pour du neuf. Réinvente-toi." C'est le prélude à la création.

Ensuite, il y a les visiteurs de l'Universel, les états existentiels, ceux qui nous connectent au temps et à la condition humaine. C'est la Nostalgie, cette douce mélancolie qui ne dit pas "c'était mieux avant", mais qui nous rappelle : "Regarde comme ce que tu as vécu était précieux." C'est l'Émerveillement qui nous remet à notre place, minuscule, face à la beauté du monde.

🔥Ressentir le feu créateur

Et puis, il y a la confrontation avec le monde extérieur. Les états en lien avec les autres. Parfois, le messager qui frappe à la porte est le sentiment d'Absurdité. Il nous montre le chaos du monde, son manque de sens, son incohérence. C'est un visiteur glacial qui nous dit : "Rien de tout ça n'a de sens pré-écrit.".

Face à ce constat, beaucoup sombrent. Mais pour moi, l'absurde invite souvent une autre visiteuse, mal-aimée et pourtant vitale : la Colère. On nous a appris à la taire, à la cacher. Quelle erreur. La colère saine n'est pas la haine. C'est le feu qui redresse l'échine. C'est la réaction immunitaire de notre esprit qui hurle : "Ceci n'est pas juste. Tes valeurs sont piétinées. Agis." La colère est le sentiment qui nous rend notre dignité. C'est elle qui transforme la paralysie de l'absurde en énergie créatrice. Elle est l'étincelle qui demande l'action et l'expression de soi.

🦋 Apprivoiser ces visiteurs pour les transformer

Il y a une magie ancienne dans le fait de nommer les choses. Quand on met un mot précis sur un ressenti flou, on lui donne des contours. Il cesse d'être une menace invisible pour devenir un compagnon de route.

Mieux encore : il faut leur donner forme et vie. C'est ici que l'expression de soi devient vitale. Écrire ce que l'on ressent, peindre la couleur de son humeur, sculpter la forme de son angoisse ou danser l'énergie de sa joie. En matérialisant l'état d'être, on s'en détache. On le regarde en face. On lui dit : "Je te vois, tu existes, mais tu n'es pas moi."

Vivre avec ses états d'être, c'est accepter l'impermanence. C'est comprendre que l'on peut se réveiller avec le poids du monde sur les épaules et se coucher avec une légèreté inattendue. Rien ne dure. Et c'est dans cette fluidité que réside notre humanité.

Nous sommes des lieux de passage, des maisons aux fenêtres ouvertes. Le vent souffle, la pluie tombe, le soleil entre. Notre seul travail est de garder la maison debout, et d'observer, avec bienveillance, le temps qu'il fait à l'intérieur.

C'est cela, vivre : c'est transformer le brouhaha de nos émotions en une conversation intelligible, et faire de nos tempêtes intérieures une énergie créatrice.

🧱 Le Tuto : Créer sa Boussole Intérieure

Pour ne plus subir ces états mais dialoguer avec eux, je vous propose de matérialiser ce "lieu de passage". Fabriquez votre propre roue des états pour identifier ce qui vous traverse et écouter le besoin caché derrière l'émotion.

🛠️ Le Matériel

Une feuille de papier épais (type Canson) ou du carton.
Un compas (ou une assiette pour tracer un rond).
Une règle et un crayon.
Des feutres ou de la peinture (3 couleurs distinctes).
Une attache parisienne.
Des ciseaux.

📍 Étape 1 : Le Squelette (La Structure)

Tracez un grand cercle. Divisez le en 3 grandes zones (comme des parts de gâteau inégales ou égales, selon ton envie). Ces zones représentent nos trois familles de visiteurs :

🔵 Zone 1 : L'Intime (Bleu, pour l'intérieur, le calme, la profondeur).
🔴 Zone 2 : Le Lien & Le Monde (Rouge/Orange, la chaleur, l'interaction).
🟣 Zone 3 : L'Universel (Violet/Indigo, pour le mystère, le cosmos, le temps).

✍️ Étape 2 : Les Quartiers (Les États)

Dans chaque grande zone, tracez 5 rayons pour obtenir les cases des 15 états. Inscrivez y vos états fréquents. Par exemple :

Dans la zone Intime : Joie, Tristesse, Peur, Présence, Ennui.
Dans la zone Lien : Colère, Culpabilité, Empathie, Amour, Gratitude.
Dans la zone Universel : Absurdité, Nostalgie, Espoir, Émerveillement, Lucidité.

💡 Étape 3 : Le Murmure (Le Secret)

C'est ici que la roue devient magique. Sous le nom de chaque état, je vous invite à écrire le murmure, l'action ou le besoin que cet état réclame. Cela transforme la roue en outil de décryptage : "Je ressens ça, donc j'ai besoin de ça".

Voici le guide des murmures, vous pouvez aussi laisser votre créativité vous guider et créer votre boussole à votre image.

🏹 Étape 4 : L'Aiguille

Découpez une flèche dans du papier cartonné. Percez le centre de la roue et le centre de la flèche, puis fixez-les ensemble avec l'attache parisienne. La flèche doit pouvoir tourner librement.

🧘‍♀️ Le Rituel

Comment utiliser sa boussole intérieure :